Qualité de l’eau : quand la carotte financière devient cerise sur le gâteau
Installé près d’un captage, l’éleveur Samuel Groussard bénéficie de paiements pour services environnementaux.
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417 000 €, c’est la somme attribuée depuis trois ans par le syndicat Eau des Portes de Bretagne. Elle est divisée entre 23 exploitations et vise à récompenser leurs pratiques préservant la qualité de l’eau potable. Ces primes sont versées dans le cadre de deux paiements pour services environnementaux (PSE) que le syndicat a mis en place en 2022 pour cinq ans à la suite d'un appel à projets de l’agence de l’eau. C’était la réponse logique pour le syndicat au travail déjà engagé sur ce sujet avec des agriculteurs.
Si l’un des PSE concerne spécifiquement la problématique liée aux produits phytosanitaires avec 17 exploitations engagées, le second vise à limiter les fuites d’azote et concerne 6 exploitations. Le financement est 100 % local puisque les ressources proviennent de la facture d’eau des consommateurs.
146 € par hectare
L’exploitation de Samuel Groussard, en Gaec avec ses frères, bénéficie de ce deuxième paiement à hauteur de 146 € par hectare et par an et dont le montant total est plafonné à 12 000 € par exploitation. La fratrie est à la tête d’un élevage de volailles, laitier et porcin sur deux sites d’exploitation, dont l’un est situé dans le périmètre de protection d’un des captages de Princé en Ille-et-Vilaine. Une quarantaine d’hectares (en majorité des prairies) sur les 150 qu’ils exploitent sont concernés par les PSE.
Pour l’éleveur, c’est en quelque sorte une cerise sur le gâteau. Les pratiques récompensées étaient déjà mises en place sur son exploitation aussi concernée par un arrêté préfectoral pris sur la base de la directive nitrates. L’éleveur bénéficie d’un suivi agronomique porté par le bureau d’étude Interfaces et gradients spécialisé dans l’analyse des sols et sélectionné par le syndicat Eau des Portes de Bretagne.
Il permet à l’éleveur d’objectiver ce qu’il « voyait à l’œil nu » grâce à « des hommes et des femmes de terrain qui n’hésitent pas mettre un coup de bêche », insiste-t-il. « Ils nous ont aidés à comprendre nos prairies tout en nous confortant dans notre travail. Nous nous sommes aperçus que nous ne faisions pas d’erreurs agronomiques. » Le désherbage mécanique et la couverture des sols font partie des pratiques récompensées. Si de mauvais résultats devaient apparaître, c’est la météo, ses aléas et son imprévisibilité qui sont mis en cause, retient l’éleveur.
Le droit à un joker
Cette récompense se base sur un indicateur de milieu : le reliquat début drainage (RDD). « Avant que le sol soit saturé en eau à l’automne, une analyse de sol est réalisée pour éviter la fuite d’azote, explique Samuel Groussard. Il ne faut pas dépasser les 65 unités d’azote minéral ou organique sur prairies et 90 unités sur cultures par hectare. » Mais l’agriculteur peut activer son « joker ».
« Nous ne sommes pas à l’abri qu’une analyse de sol soit aberrante en raison d’un artefact. Chaque exploitation a le droit sur les cinq ans à un ou deux jokers en fonction du nombre de parcelles », indique Annaëlle Langevin, responsable du service de la protection des ressources du syndicat. C’est alors le reliquat postabsorption analysé au mois d’août qui est retenu.
Après ces trois années de mise en place des PSE, les résultats sont là. Les concentrations en nitrates ont baissé, passant de 55 mg/l à 50 mg/l. Cela conforte sa stratégie de privilégier « le préventif au curatif ». « Je préfère donner de l’argent aux agriculteurs plutôt que d’acheter du charbon actif » pour éliminer le nitrate dans l’eau affirme Teddy Régnier, président du syndicat.
À la suite des cinq ans, il sera temps pour les collectivités publiques d’évaluer cette politique et de se poser la question de son renouvellement. C’est le seul bémol identifié par Samuel Groussard qui rêve, qu’au lieu de primes conditionnées à des budgets, son lait soit payé plus cher pour le récompenser des efforts qu’il réalise avec ses frères pour préserver la qualité de l’eau.
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